Le Maroc face à la guerre cognitive : immigration, désinformation et résilience
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Le Maroc face à la guerre cognitive : immigration, désinformation et résilience
Kamal Akridiss : Président @R.O.C.K. Institute
Publié le 11 Juillet 2025

Depuis plusieurs mois, des discours inquiétants se multiplient sur les réseaux sociaux marocains à propos des immigrés subsahariens. De simples faits divers deviennent viraux. Des images violentes sont diffusées hors contexte. Des commentaires à caractère haineux apparaissent, souvent propagés par des comptes anonymes. Un climat de méfiance s’installe. Pourtant, cette tension ne reflète ni la réalité du terrain, ni les valeurs du peuple marocain, encore moins les choix assumés par les institutions du Royaume.
Derrière cette vague émotionnelle, se dessine une manœuvre plus structurée : une tentative claire de déstabilisation informationnelle. Elle vise à fragiliser le lien social, à entamer la légitimité des autorités, et à affaiblir l’image d’un Maroc stable, souverain et profondément africain.
Depuis 2013, le Maroc a engagé une politique migratoire sans précédent en Afrique du Nord, plaçant la dignité humaine au cœur de son approche. Cette décision, impulsée directement par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a donné lieu à deux grandes campagnes de régularisation massive des immigrés en situation irrégulière, conduites dans la transparence et la bienveillance. Plus de 50 000 de ressortissants subsahariens ont ainsi obtenu des titres de séjour, leur permettant de vivre et de travailler légalement sur le sol marocain.
Mais au-delà des régularisations, c’est tout un cadre de droits effectifs qui a été mis en place. Les immigrés, y compris ceux en situation irrégulière, bénéficient d’un accès aux soins médicaux d’urgence, à l’éducation pour leurs enfants, et à des mécanismes juridiques de recours. Le Maroc est l’un des rares pays de la région à garantir de tels droits à tous, sans distinction de statut. Cette approche, fondée sur l’équité, reflète une volonté claire : assurer la paix sociale par l’inclusion plutôt que par l’exclusion.
C’est précisément ce modèle d’équilibre qui dérange certains agendas. Car en construisant une politique fondée sur la stabilité et la responsabilité, le Maroc se distingue. Il devient un acteur pivot entre l’Europe et l’Afrique, capable de proposer une voie souveraine, africaine, et crédible. Ce positionnement renforce sa légitimité diplomatique, mais en fait aussi une cible dans la compétition régionale.
La guerre n’est plus militaire. Elle est cognitive. Elle vise l’imaginaire collectif. Elle infiltre les récits, manipule les perceptions, attise les frustrations. Ce sont des tensions locales transformées en conflits identitaires, des réalités sociales utilisées pour diviser. C’est une guerre qui ne vise pas à convaincre, mais à brouiller, à fatiguer, à désunir.

Exemple concret de désinformation visuelle et guerre cognitive au Maroc
Cette image, largement relayée sur les réseaux sociaux marocains, est accompagnée d’un texte alarmiste : « دفعة جديدة قادمة إلى المغرب 😱😳🇲🇦 ». Or, après vérification, cette scène n’a pas été prise au Maroc, ni à ses frontières. Il s’agit très probablement d’une image filmée dans un pays d’Afrique centrale ou de l’Ouest, lors d’un événement de mobilisation ou d’un mouvement de population locale.
Ce genre de contenu, arraché à son contexte et recyclé avec un narratif alarmiste, est typique des techniques de guerre cognitive utilisées pour semer la confusion, alimenter les peurs, et fragmenter la cohésion sociale. Il joue sur trois leviers puissants :
- L’image de masse humaine (effet d’invasion)
- L’émotion (émojis de panique)
- L’identité nationale (drapeau marocain)
Objectif : créer artificiellement un sentiment de menace migratoire, alors même qu’aucune arrivée massive n’a été signalée par les autorités marocaines. Ce type de désinformation vise à désorienter l’opinion publique, affaiblir la confiance envers les institutions, et alimenter des tensions entre Marocains et populations subsahariennes, en contradiction totale avec les valeurs du Royaume.
Le moment choisi n’est pas anodin. À l’approche de la CAN 2025, alors que le Maroc renforce ses partenariats économiques avec l’Afrique de l’Ouest, et joue un rôle accru dans la médiation régionale, les campagnes d’influence se multiplient. Ce contexte est bien documenté par plusieurs centres indépendants spécialisés en stratégie et résilience cognitive.
Parmi les faits récents les plus significatifs, on peut citer l’implication déterminante du Maroc dans la libération, en juin 2024, de quatre agents français de la DGSE retenus au Burkina Faso. Cette opération, menée avec discrétion, a révélé l’ampleur de ses canaux de médiation en Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, des cadres militaires du Burkina Faso, du Niger et du Mali sont régulièrement formés au Maroc dans le cadre d’une coopération sécuritaire axée sur la lutte antiterroriste. Cette diplomatie de sécurité, sobre mais efficace, dérange les équilibres anciens.
Chaque succès marocain — qu’il soit dans les énergies vertes, le renseignement, ou la diplomatie africaine — devient un point de friction pour certains acteurs concurrents. Et avec le succès vient une autre forme de vulnérabilité : les attaques narratives. Il ne s’agit plus de s’opposer frontalement, mais d’attaquer la cohérence du récit national.
Dans cette guerre silencieuse, le Maroc doit éviter deux pièges : le repli et la réaction brutale. La meilleure réponse reste stratégique. Il faut renforcer le lien de confiance entre les citoyens et les institutions. Continuer à investir dans l’inclusion des quartiers populaires. Former les jeunes à la lecture critique des contenus. Et surtout, maintenir une vision claire de ce que représente le Royaume aujourd’hui : un pays africain, souverain, ouvert et digne.
Conclusion
La situation actuelle est un révélateur. Le Maroc est entré dans une nouvelle phase de son histoire : celle où sa stabilité, sa souveraineté et son image font de lui un acteur-clé, mais aussi une cible.
Ce que le pays subit n’est pas anodin. C’est une forme avancée de guerre cognitive, où l’objectif n’est pas la prise de pouvoir, mais l’effondrement des repères. Il ne s’agit plus de convaincre la population, mais de la désorienter, la diviser, l’épuiser émotionnellement.
Dans ce contexte, les institutions doivent adopter une posture claire :
- Former les citoyens à la vigilance narrative .
- Assurer une communication publique constante, humaine et vérifiable .
- Anticiper les récits concurrents plutôt que les subir .
- Renforcer les coopérations régionales dans les domaines de la sécurité cognitive .
- Soutenir les médiateurs sociaux et les relais locaux pour apaiser les tensions de terrain.
Car dans ce type de conflit, le récit est une arme, et la stabilité mentale du pays devient un actif stratégique. Le Maroc a déjà démontré qu’il sait construire. Il lui revient désormais de protéger ce qu’il a bâti, non seulement par la force des institutions, mais par l’intelligence des esprits.
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