L’Italie de Giorgia Meloni : la renaissance stratégique d’une puissance sous-estimée
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L’Italie de Giorgia Meloni : la renaissance stratégique d’une puissance sous-estimée
Commission Géopolitique et intelligence stratégique
Publié le 05 Mai 2025
Alors que l’Europe peine à trouver une cohérence stratégique, un pays discret mais déterminé tire lentement son épingle du jeu : l’Italie. Sous l’impulsion de Giorgia Meloni, Rome est en train d’opérer un repositionnement géoéconomique et géopolitique que peu d’analystes avaient anticipé. En tant qu’expert en intelligence économique, il est impératif de regarder au-delà des postures idéologiques pour comprendre la logique de puissance qui anime aujourd’hui la politique italienne.
Vision, continuité, pragmatisme
L’arrivée de Meloni au pouvoir a d’abord suscité des inquiétudes, notamment en France. Son positionnement conservateur et l’histoire de son parti, Fratelli d’Italia, ont nourri des lectures caricaturales. Pourtant, deux ans après son élection, les faits sont là : l’Italie affiche une croissance supérieure à celle de la France, un déficit public en baisse drastique (de 8 % à 3,3 %), et une diplomatie plus agile que jamais.
La clé de cette réussite ? Une double logique : l’ancrage dans une vision stratégique claire et le pragmatisme dans la mise en œuvre. Dès son arrivée à la tête du gouvernement, Meloni a choisi de rassurer les marchés en s’entourant de figures comme Mario Draghi, ex-président de la BCE. Elle applique un programme strict, notamment sur les enjeux migratoires, familiaux et économiques, tout en conservant une capacité d’adaptation remarquable.
L’intelligence économique à l’italienne
Ce que l’Italie incarne aujourd’hui, c’est une géoéconomie assumée. Loin des discours idéologisés, elle développe une diplomatie du résultat : accords énergétiques en Libye, Tunisie, Algérie ; partenariats renforcés avec les Émirats, l’Égypte, ou encore le Mozambique ; gestion migratoire fondée sur le deal plutôt que sur l’injonction.
À travers le Plan Mattei, Rome engage 5,5 milliards d’euros pour renforcer ses positions en Afrique. Loin d’un néocolonialisme mal digéré, il s’agit d’une offre claire, structurée, pensée dans l’intérêt réciproque. L’Italie ne cherche pas à imposer un modèle mais à négocier une présence durable. C’est là toute la subtilité d’une intelligence économique qui comprend que la force repose sur la légitimité, pas sur la domination.
Soft power, Vatican et maillage humain
Un autre levier souvent ignoré dans les analyses classiques est l’usage de la diplomatie religieuse. La diplomatie italienne est bicéphale : Rome et le Vatican. Là où l’État ne peut pas intervenir frontalement, l’Église, ses réseaux et son influence culturelle prolongent l’action italienne. De l’Afrique lusophone à l’Amérique latine, cette dimension donne à l’Italie une profondeur d’action unique.
À cela s’ajoute un capital humain mondialement distribué. La présence italienne à l’étranger — entrepreneurs, communautés, réseaux d’affaires constitue une véritable force d’influence, souvent sous-estimée dans les cartographies de puissance.
Un modèle de gouvernance polycentrique
L’un des éléments fondamentaux du succès italien réside aussi dans la structure même de son pouvoir. Loin du modèle hyper-centralisé français, l’Italie s’appuie sur une logique de subsidiarité : les régions et les villes disposent de marges d’action autonomes, y compris à l’international. Florence, Milan, Naples ont chacune leur stratégie d’attractivité. Ce gérondisme cette décentralisation organique favorise l’agilité, la créativité économique, l’innovation.
Conclusion : repenser nos certitudes
Ce que révèle l’expérience italienne sous Giorgia Meloni, c’est qu’une stratégie nationale, lorsqu’elle est pensée dans la durée, articulée autour de l’intérêt général et mise en œuvre avec intelligence, peut inverser des dynamiques que l’on croyait figées. Loin des slogans ou des postures idéologiques, l’Italie a construit, pierre après pierre, une diplomatie économique offensive, un maillage industriel agile, et une politique d’influence fondée sur la réalité des rapports de force. Là où certains États européens peinent à définir une ligne, Rome agit. Là où d’autres s’enferment dans des cadres normatifs, elle manœuvre avec pragmatisme. Cette approche, résolument géoéconomique, marque un retour à la puissance par la négociation, l’anticipation et la connaissance fine des terrains d’influence.
Pour les professionnels de l’intelligence économique, cette trajectoire italienne n’est pas un simple cas politique : c’est une leçon de méthode. Elle rappelle l’importance de disposer d’une vision structurée, d’alliances solides mais flexibles, d’une lecture claire des enjeux mondiaux et d’un écosystème national capable de relayer les ambitions étatiques. Plus que jamais, la puissance ne se décrète pas — elle se construit. Et dans ce domaine, l’Italie démontre qu’un État qui se donne les moyens d’être lisible, cohérent et crédible peut non seulement redresser son économie, mais redevenir un acteur incontournable dans le jeu international.
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