République Centrafricaine : 2025, l’élection d’un tournant silencieux ?
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République Centrafricaine : 2025, l’élection d’un tournant silencieux ?
Commission : Géopolitique et intelligence stratégique
Publié le 04 Juin 2025
Alors que la République centrafricaine se rapproche de l’élection présidentielle de 2025, le pays paraît sombrer dans une situation de fatigue politique combinée à une sorte de résignation stratégique. Cependant, sous ce calme de surface, les tensions s’accumulent, généralement discrètement, parfois à travers les paroles, mais rarement dans les votes. Une sensation commune se répand dans la société : le pouvoir en place ne s’appuie plus sur une adhésion, mais sur une tolérance forcée.
Depuis près de dix ans, le pays oscille entre stabilisation imposée et verrouillage politique. Assurément, les responsables en poste déclarent avoir mis fin au désordre, rétabli le contrôle sur certaines régions cruciales et observé une diminution partielle des actes de violence. Cependant, cette stabilisation s’appuie de plus en plus sur des bases extérieures. La présence de forces étrangères, non élues, non transparentes, et surtout non désirées par une large part de la population, devient l’éléphant dans la pièce. Si leur rôle dans la lutte contre certains groupes armés n’est pas contesté, leur enracinement progressif dans l’appareil sécuritaire et politique du pays soulève des inquiétudes profondes, voire une défiance croissante.
Longtemps divisée par des conflits, la population semble regagner une conscience collective : celle d’une nation qui a renoncé à sa souveraineté, non pas par manque de force, mais faute de choix alternatif. Aujourd’hui, cette prise de conscience se matérialise par une demande. Appel à une représentation claire, un retour à la politique réelle, pas à l’apparence. Cette requête n’est pas encore visible à travers des actions de grande envergure – les compétences de rassemblement demeurent restreintes – toutefois, elle émerge au sein des discussions, des groupes associatifs, des mosquées et des marchés. La confiance est brisée, et l’élection de 2025 pourrait représenter la première opportunité institutionnelle pour le signaler.
Le paradoxe centrafricain est impitoyable : plus la situation paraît stable, plus la colère se fait discrète mais organisée. Parce que la paix sécuritaire n’est pas suffisante. Le pays a un besoin urgent d’une structure politique explicite et d’un leadership qui aligne le discours officiel de l’État avec les véritables attentes de la population. Depuis une longue période, l’élection est considérée comme un simple outil de confirmation, plutôt que comme une plateforme pour le débat ou pour l’expression démocratique.
Pourtant, des figures politiques expérimentées, connues pour leur capacité à gouverner avec méthode et à dialoguer avec toutes les parties, réapparaissent dans le débat. Leur discours ne joue ni la carte du populisme ni celle de la revanche, mais celle de la reconstruction. Elles proposent une ligne nouvelle, moins bruyante, plus solide : retour aux institutions, transparence sur les partenariats extérieurs, recentrage sur l’intérêt national. Ce type de posture pourrait redonner à la présidence centrafricaine sa vocation originelle : être un lieu de coordination nationale, et non de captation stratégique.
L’élection de 2025 pourrait ainsi représenter bien au-delà d’un simple événement politique : elle pourrait symboliser la clôture d’une période exceptionnelle, celle où un pouvoir a été maintenu artificiellement, sans véritable adhésion. Mais cela ne se décide pas. Des conditions électorales transparentes, une véritable ouverture à la concurrence politique, un paysage médiatique dégagé et une vigilance diplomatique rigoureuse sont nécessaires.
Dans un contexte africain où les citoyens accordent une importance grandissante à la souveraineté, à la légitimité et à l’intégrité institutionnelle, la RCA ne peut plus se permettre de vivre cette contradiction : un État qui semble souverain sur le papier, mais qui est en réalité dépendant. Ce n’est pas uniquement une question d’image ou de géopolitique : c’est une situation d’urgence nationale.
On se souviendra peut-être de l’élection de 2025, non pas en termes de triomphe, mais comme celle où les citoyens ont enfin posé une question fondamentale : « À qui appartient ce pays ? » Et cette interrogation, formulée avec sérénité et noblesse, pourrait s’avérer plus subversive que toutes les insurrections armées antérieures.
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